Article du Parisien sur Le Samely

Article du Parisien sur Le Samely

Lycéenne… et maman : en Ile-de-France, une association aide 200 jeunes femmes à poursuivre leur scolarité


Le 20 septembre 2020 à 15h33, modifié le 28 septembre 2020 à 14h52
Photo: Meaux (Seine-et-Marne), le 15 septembre. Hélène, lycéenne en bac pro, est maman d’une petite fille de 2 ans. LP/H.H.

Elles sont mamans mais la rentrée scolaire, ce sont elles qui l’ont faite, pas leurs enfants. En France, en 2018, 11 700 nourrissons ont été mis au monde par une mère âgée de moins de 20 ans. Parmi ces jeunes filles, bon nombre d’entre elles étaient encore inscrites au lycée lorsqu’elles sont tombées enceintes. Avec la grossesse, puis la maternité, elles se retrouvent alors dans une situation scolaire compliquée, voire taboue. La scolarité n’étant plus obligatoire à partir de 16 ans, les risques de décrochage sont grands. « A l’école, le congé maternité n’existe pas. Une élève n’est pas censée s’absenter pendant quatre mois. L’Education nationale n’a pas pensé à cela », explique Mélanie Jacquemond, coordinatrice du Samely, le Service d’accompagnement des mères lycéennes.

Créé en 2013 avec le soutien de la région Ile-de-France — en charge de la gestion des lycées —, ce service est basé dans le XIXe arrondissement de Paris et rattaché aux PEP 75 (Pupilles de l’enseignement public). Une association qui milite pour le droit aux loisirs, à l’éducation et la culture pour tous. Le Samely accompagne près de 200 jeunes mères par an afin de les aider à poursuivre leur scolarité, souvent semée d’embûches entre les absences, les problèmes de garde et le jugement moral de la société.

« On aimerait couvrir l’ensemble de la région »

Créé à Paris dans un premier temps, le service s’est développé en Seine-et-Marne et dans l’Essonne en 2014, puis en Seine-Saint-Denis en 2019. « On a priorisé les départements où les PEP avaient déjà une antenne locale et où les demandes étaient importantes. On va d’ailleurs renforcer notre équipe sur Paris et la Seine-Saint-Denis. Et à terme, si on arrive à trouver de nouveaux partenaires financiers, on aimerait couvrir l’ensemble de la région Ile-de-France, car il y a des besoins partout », note la responsable.

Avant de lancer le Samely, les PEP 75 s’occupaient déjà du Sapad 75, un service qui permet aux enfants malades de suivre des cours à domicile. « Lors de leur grossesse, certaines jeunes filles en bénéficient. C’est comme cela qu’on a eu l’idée de développer le Samely plus adapté aux difficultés qu’elles rencontrent. On les accompagne dans diverses démarches », souligne Mélanie Jacquemond.

« De nombreuses mamans se retrouvent dans des situations très précaires »

Dans chaque département, une coordinatrice dédiée suit les jeunes femmes durant deux ans. « Pour entrer dans le dispositif, elles doivent avoir un vrai projet scolaire. On les aide à bénéficier de cours à la maison, on fait le lien avec le lycée pour mieux adapter leur scolarité à leurs contraintes. On peut par exemple demander le report d’un examen s’il tombe durant le congé maternité. On va aussi orienter les jeunes filles vers les services qui vont les aider à bénéficier de ce à quoi elles ont le droit : allocations familiales, RSA, demande d’une place en crèche… Tout ce qui peut leur permettre de gagner en indépendance. Surtout qu’elles ne restent pas toutes chez leurs parents. Or, pour réussir à l’école, il faut qu’elles vivent dans de bonnes conditions. De nombreuses mamans se retrouvent dans des situations très précaires, certaines n’ont pas de papiers. »

En 2019, 61 % des jeunes filles suivies par le Samely ont poursuivi leurs études

Le Samely organise également des séjours entre jeunes mères où elles peuvent discuter de leur maternité et de leur projet professionnel. Si le service suit parfois des collégiennes ou des étudiantes, la majorité des jeunes filles ont autour de 17 ans, sont lycéennes et vivent sans le père du bébé. La plupart n’avaient pas planifié leur grossesse, voire l’ont découverte une fois passés les délais légaux d’avortement. Ces jeunes femmes sont envoyées au Samely par l’infirmière de leur lycée, les centres de protection maternelle et infantile ou diverses structures. « On a fait le choix de ne pas communiquer directement dans les établissements scolaires auprès des adolescentes. Ce sont des professionnels qui nous mettent en contact avec elles », relate Mélanie Jacquemond.

Certaines sont encore enceintes quand elles rejoignent le Samely, d’autres ont déjà accouché. « Plus on les accompagne tôt dans leur grossesse, plus les risques de décrochage sont réduits », constate la coordinatrice. En 2019, 61 % des jeunes filles suivies par le Samely ont poursuivi leurs études en obtenant un examen, en passant dans la classe supérieure ou même en redoublant. « Ce qui peut être la solution quand il y a eu beaucoup d’absences », pointe Mélanie Jacquemond.

Hélène, élève à Meaux et maman d’une petite fille de deux ans

Sans le Samely (Service d’accompagnement des mères lycéennes), elle n’aurait sans doute « jamais réussi son CAP ». À la fin de l’année scolaire, Hélène passera son bac professionnel dans un lycée de Meaux (Seine-et-Marne). À 20 ans, cette lycéenne est maman d’une petite Chloé, qui a fêté ses deux ans au printemps dernier. Contrairement à d’autres jeunes filles, elle a été suivie par le Samely après la naissance de son enfant.

« J’ai fait un déni de grossesse et j’ai découvert que j’étais enceinte peu de temps avant mon accouchement. C’est une personne de la maison départementale (NDLR : des solidarités) qui m’a mise en contact avec le Samely. Je ne savais pas que ça existait. Au lycée, personne ne m’en avait parlé », raconte Hélène, orpheline et arrivée de Centrafrique à 16 ans.

« J’ai manqué beaucoup de cours car je n’avais pas de solution de garde »

La jeune femme s’est retrouvée quelque temps à la rue après avoir dévoilé sa grossesse à ses proches installés en France. Aujourd’hui, elle a retrouvé un logement.

« Ça a été difficile. Quand ma fille est née, j’étais en CAP. J’ai manqué beaucoup de cours car je n’avais pas de solution de garde. Le Samely m’a aidé à bénéficier de cours à domicile, à trouver une place en bac pro à Meaux, où j’habite, car avant j’étais scolarisée à Gagny, en Seine-Saint-Denis. C’était compliqué au niveau des trajets. » Aujourd’hui, sa petite fille va chez une assistante maternelle. « Je la laisse jusqu’à 18 heures pour avoir le temps de faire mes devoirs en sortant des cours ».

Hélène aimerait suivre un BTS l’an prochain pour être formée aux métiers de l’accueil dans le secteur aérien. « Normalement, mon contrat avec le Samely devait durer deux ans, mais ils ont accepté de le prolonger un peu, car il y a beaucoup d’enjeux pour moi cette année avec le baccalauréat », décrit la jeune femme, qui a trouvé une écoute auprès de ce service. « Il y a une psychologue avec qui on peut parler, j’ai aussi pu rencontrer d’autres mamans comme moi lors d’un séjour au Pouliguen en Loire-Atlantique. C’était très bien. »

Article de 20 Minutes sur une maman lycéenne

Article de 20 Minutes sur une maman lycéenne

Paris: Une maman lycéenne, «fière» d’avoir obtenu son bac

Par Oihana Gabriel (article et photo) – Lire l’article sur 20 minutes

ÉDUCATION : Pour lutter contre le décrochage scolaire, la région Ile-de-France a mis en place un service d’accompagnement. 20 Minutes a rencontré une jeune mère qui en a bénéficié…

Paris, le 16 septembre 2014, cette jeune femme (anonyme) a eu un fils pendant sa terminale, mais a réussi à obtenir son bac et poursuit des études de droit. — O. Gabriel / 20 Minutes

«Je voulais travailler dans le social», confie Amandine*, 18 ans. Cette Parisienne n’a plus à conjuguer ses rêves au passé. En septembre 2013, cette élève de Terminale a accouché d’un garçon. Mais la jeune femme a réussi à combiner maternité et lycée. Et à décrocher son bac malgré la fatigue.

Le 3 septembre 2013, à deux semaines du terme, elle fait sa rentrée sous les regards étonnés. «Un gros ventre, ça fait réagir! Mes camarades étaient curieux, mais pas malveillants. La première fois que j’ai évoqué ma situation avec le CPE, il est devenu tout rouge et ne savait pas quelles solutions me proposer.» D’octobre à février, elle jongle entre les couches et les cours à la maison.

Un service qui aide les lycéennes enceintes

Pendant cette année compliquée, Amandine a pu compter sur l’aide du Service d’Accompagnement des Mères Lycéennes (Samely), cofinancé par la région et présenté pour la première fois ce mardi lors d’un forum contre le décrochage scolaire (voir encadré). Né en même temps que son fils, ce service cofinancé par la Région accompagne depuis un an les lycéennes pour qu’elles n’abandonnent pas l’école.

«Je suis fière d’avoir obtenu mon bac»

Grâce au Samely, Amandine a suivi des cours de maths, économie et philosophie à domicile pendant trois mois… entre deux allaitements. «Début 2014, j’ai obtenu une place en crèche. Quel soulagement! Le temps d’adaptation a duré un  mois au lieu d’une. Ce n’était pas évident de subir la pression d’un côté des professeurs qui voulaient que je reprenne les cours vite, de l’autre de la puéricultrice qui me conseillait de privilégier la relation mère-enfant. Mais je suis revenue en cours au bon moment.»

En mars, la jeune maman a repris le chemin de l’école, trois mois avant le bac. «Le lycée m’a proposé de passer uniquement quelques matières cette année. J’ai refusé, pour moi c’était quitte ou double. Et je suis fière d’avoir obtenu mon bac.»

«Je n’ai pas honte d’être mère»

Le bac en poche, et avec l’ambition de devenir éducatrice dans la protection judiciaire de la jeunesse, Amandine a débuté en cette rentrée une licence de droit. Et jongle plus facilement avec son emploi du temps. Une fois son fils à la crèche, elle peut étudier le matin avant de rejoindre la fac où elle a condensé ses cours l’après-midi. «Je n’ai pas honte d’être mère, j’assume. Mais je n’en parle pas à tout le monde. La scolarité est au courant: je ne pourrais pas assister aux TD le samedi car mon fils n’a pas de crèche le week-end.»

Pour le moment, Amandine vit chez sa mère et peut compter sur sa sœur ainée pour garder l’enfant quand elle a besoin d’étudier. «Au début, on sentait que chez elle, il allait falloir pousser les murs», reconnaît Chloé Magnan, coordinatrice interdépartementale du Samely. «Mais tout le monde s’est adapté, se réjouit Amandine. Certaines familles tournent le dos aux adolescentes enceintes. Mais ma mère m’encourageait les matins où je voulais rester au lit quand le petit s’était réveillé pendant la nuit. Si ma mère n’avait pas accepté ma grossesse, je n’aurais pas réussi à continuer mes études.»

Un appui décisif et peu courant. «J’ai été agréablement surprise de voir cette adolescente relever le challenge d’obtenir son bac alors qu’elle avait accouché à la rentrée, avoue Chloé, qui la suit pendant deux ans. On est là pour accompagner les jeunes filles enceintes à partir du quatrième mois… Mais aussi les établissements scolaires.» Aujourd’hui, son service accompagne 47 lycéennes parisiennes. Et le Samely doit s’implanter prochainement en Essonne et en Seine-et-Marne.

*Le prénom a été changé.

Interview : Zoom sur le SAMELY, un service en pleine expansion

Interview : Zoom sur le SAMELY, un service en pleine expansion

A l’origine de la création du Service d’Accompagnement des Mères Lycéennes (SAMELY), Florence Cornu – directrice du médico-social aux PEP75 – dirige aujourd’hui le service en lien avec la coordinatrice interdépartementale, Mélanie Jacquemond. En 2019, Le SAMELY, jusqu’alors présent dans 3 départements (75, 91 et 77), s’est déployé dans le 93.

Florence, pourriez-vous nous préciser l’origine de ce projet innovant ?

A Paris, depuis plus de 20 ans, Les PEP 75 gèrent le Service d’Assistance Pédagogique à Domicile (SAPAD). Dans ce cadre, nous avons fait le constat d’un décrochage scolaire important pour les élèves enceintes, malgré la mise en place de cours à domicile.

En 2013, avec le soutien du conseil régional d’Ile-de-France, nous avons créé le SAMELY. Ce service propose un accompagnement pour éviter le décrochage scolaire, permettre une meilleure insertion des jeunes femmes et travailler avec les partenaires sur les questions sociales et de santé. Entre 2013 et 2018, nous avons étendu le service en Seine et Marne puis en Essonne, avec le soutien des PEP77 et PEP91. Depuis le mois de janvier 2019, nous proposons également nos services aux lycéennes de Seine-Saint-Denis.

Concrètement, quelles sont les missions du SAMELY ?

Nous visons 3 objectifs :

  • Lutter contre le décrochage scolaire des lycéennes enceintes ou mères
  • Soutenir la jeune femme dans l’élaboration du projet d’orientation scolaire ou d’insertion professionnelle
  • Lutter contre l’isolement des jeunes mères, notamment celles d’entre elles qui vivent dans des conditions précaires

En Ile-de-France, quel est le maillage du service ?

  • Le service est déployé dans 4 départements : Paris, la Seine-et-Marne, l’Essonne et la Seine-Saint-Denis.
  • L’équipe se compose d’1 ou 2 référentes par département, d’1 coordinatrice interdépartementale et d’1 directrice
  • Nous comptons au total 180 accompagnements en moyenne sur les trois départements. En 2019, avec la création de l’antenne SAMELY en Seine Saint Denis, nous pensons suivre entre 210 et 230 jeunes.

A qui s’adresse le SAMELY ?

Nous accompagnons toutes jeunes femmes enceintes rattachées à un établissement scolaire ou déscolarisées depuis moins d’un an. Cet accompagnement dure six mois et est renouvelable trois fois au maximum.

Quelles sont les modalités de cet accompagnement ?

L’accompagnement, gratuit et basé sur la libre adhésion, débute une fois le délai légal d’IVG passé.

Il prend deux formes différentes, un accompagnement individuel à domicile dans les établissements ou chez nos partenaires. Il est renforcé par différentes actions collectives complémentaires : des stages de révisions scolaires, des séjours de remobilisation scolaire et de prévention, des séjours de soutien au lien mère-enfant ou encore des sorties à la journée à destination des mères et des pères durant les vacances.

Quels sont vos champs d’action ?

Les problématiques rencontrées sont multiples : continuité scolaire, parentalité, développement de l’enfant, violence faite aux femmes, protection de l’enfance… La question du diplôme est également centrale, surtout en France. Ce public fragile a donc d’autant plus besoin de sortir du système scolaire avec une formation qualifiante.

Notre travail en partenariats avec les services de santé, les services sociaux, les établissements scolaires, les centres d’hébergements, la PMI, les hôpitaux (etc.), est la clé de la réussite pour proposer des solutions adaptées à ce public sur les différentes problématiques qu’il présente. Le rôle du SAMELY n’est pas de se substituer aux dispositifs déjà existants mais de faire du lien avec les professionnels de proximité ou bien de compléter leur action si besoin.

Un petit mot pour conclure ?

Nous pensons que ce service nécessite une attention soutenue des pouvoirs publics. En 2019, de nombreuses mères adolescentes dorment, avec leurs bébés, dans des logements précaires, sans accompagnement social adapté . C’est une situation qui doit tous nous alarmer et à laquelle nous devons impérativement faire face.