Maman étudiante, une aventure complexe

Maman étudiante, une aventure complexe

Maman étudiante, une aventure complexe

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Comment concilier la maternité et les études ? Est-il simple d’être maman et étudiante ? Les mamans étudiantes ont-elles des droits spécifiques, peuvent-elles bénéficier d’aides financières ? Est-on prioritaire pour obtenir une place en crèche ? Comment s’organiser au mieux pour mener de front la vie avec un bébé, et ses études ? Infos et conseils.

Être maman et étudiante, c’est tout un programme ! Car si la parentalité est une aventure en soi, comprenant son lot de défis chronophages, mener en plus une vie d’étudiante peut vite engendrer une situation stressante. Avec ou sans compagnon, de nombreuses mamans en études se retrouvent régulièrement en situation de décrochage. Dès lors, comment s’organiser au mieux pour réussir ses études tout en prenant soin de son enfant ? Que vous soyez au lycée ou en études supérieures, il y a des réflexes à adopter pour faciliter au mieux sa vie quotidienne, mais aussi des aides pour alléger les contraintes. On fait le point avec Florence Cornu, directrice du secteur des PEP75 et gestionnaire du SAMELY (le Service d’accompagnement des mères lycéennes), et avec Marine, jeune maman étudiante.

Quelques chiffres sur les mamans étudiantes

Selon un rapport de l’Observatoire de la Vie étudiante publié en 2016, en France, 1 étudiante sur 20 est maman. Si ce chiffre est très bas comparé aux autres pays européens, cela s’explique notamment par le nombre moins important de femmes en reprise d’études dans l’Hexagone qu’à l’étranger. Quant à l’impact de la maternité sur les études, il semble être malheureusement souvent un motif de décrochage, qui se vérifie dans les chiffres : les mamans étudiantes ont 18% de chances de moins que les étudiantes sans enfants de parvenir au terme de leurs études. Il faut aussi souligner que ces données concernent les études supérieures et ne prennent pas en compte les mamans encore au lycée, où la situation peut s’avérer encore plus difficile à gérer.

Comment s’organiser : une charge mentale lourde à porter pour les jeunes mamans

Concilier études et éducation d’un enfant n’est forcément pas de tout repos ! Et quand le bébé est malade (ce qui arrive souvent, surtout les premières années…), il devient impossible de se rendre en cours, voire d’assurer ses “devoirs” à rendre aux professeurs. La période des partiels et examens est toujours très difficile également. Bien sûr, les mamans qui vivent en couple auront un relais plus facile que les mamans qui sont seules avec leur bébé, toutes les mamans étudiantes en témoignent. Une situation décrite par Marine, étudiante et maman : « Le principal défi que j’ai eu à surmonter en tant que maman étudiante, c’est la gestion du temps. Pendant la période d’examens, je profitais de chaque sieste de ma fille pour me mettre à réviser. C’était très stressant et très fatigant », témoigne Marine. Avoir un enfant, c’est en effet devoir lui accorder beaucoup de temps et d’énergie, et le risque de s’éparpiller est grand, souligne Florence Cornu : « Il va y avoir toute la question du mode de garde, gérer toutes les aides possibles, mais aussi découvrir toutes les plateformes comme celle de la CAF, ce qui n’est pas rien ! Sur le long terme, la situation peut se compliquer quand l’enfant commence à marcher et courir, la surveillance va devoir être permanente ».

Vie étudiante : pas facile quand on est déjà maman !

Le regret qui ressort le plus des déclarations des mamans étudiantes, c’est la difficulté de participer aux moments festifs… Avec un bébé, les sorties, week-ends et breaks entre étudiants seront forcément moins nombreux. Une situation qui n’est pas propre aux étudiantes, les mamans qui travaillent sortent elles aussi moins souvent dans les premiers mois qui suivent la naissance de leur bébé… « Effectivement je sortais peu durant ma première année de Master quand ma fille est venue au monde. Mais du fait de mes études dans le domaine de la culture, j’ai pu sortir lors d’évènements culturels et j’ai pu assister à une soirée avec mes camarades de promotion ! », relativise Marine.

 

Maman et étudiante : s’affranchir du jugement des autres

Quand on est étudiante et que l’on est maman, ou que l’on est enceinte, le regard des autres peut être vécu comme un jugement, ce qui peut déstabiliser. « J’ai eu des réflexions de certains professeurs lorsque j’ai fait ma demande d’entrée en Master. Ils pensaient automatiquement que je ne pourrais pas aller au bout du cursus du fait que j’allais devenir mère. Il peut y avoir un sentiment discriminant» , raconte Marine. Rassurez-vous, certaines étudiantes arrivent très bien à concilier leur grossesse, puis la venue de leur bébé, avec leur cursus. C’est surtout une question d’organisation.

Quel congé maternité pour les mamans étudiantes ?

Il n’y a pas de congé maternité à proprement parler dans le milieu universitaire, car dans tous les cas, vous devrez suivre les cours et les examens. En revanche, n’hésitez pas à vous tourner vers vos professeurs et vers les services de votre université. En fonction de votre date d’accouchement, et vous pourrez peut-être obtenir des cours à distance, voire le report de certains examens.

Les aides pour les mamans étudiantes : CROUS et RSA

Si la grossesse et la maternité deviennent difficiles à cumuler avec vos études, sachez qu’il existe différentes aides pour vous faciliter la vie. Tout d’abord, sachez qu’en couple ou non, vous êtes éligible au RSA. Il vous faudra faire la demande à la Caisse d’Allocations Familiales. Le montant du RSA varie en fonction de votre situation personnelle (en couple ou seule), du nombre et de l’âge de vos enfants. Ainsi, si vous êtes enceinte de votre premier enfant, le RSA sera de 725,96 euros si vous êtes seule, et de 848,01 euros si vous êtes en couple. Après la naissance de votre enfant, le RSA sera de 967,95 euros si vous êtes seule et de 1 017,61 euros si vous êtes en couple.

Il existe aussi une aide d’urgence de la part du CROUS, pour les jeunes parents. Celle-ci peut être ponctuelle ou annuelle. La première peut être notamment demandée si votre situation venait à changer durant l’année universitaire. Une fois votre situation évaluée par l’assistante sociale, vous pouvez toucher cette aide pouvant être au maximum de 1 687 euros. Selon les cas, celle-ci peut être versée plusieurs mois dans l’année, avec un maximum total de 3 374 euros.

Pour ce qui est de l’aide annuelle, la maman étudiante doit faire une demande auprès de son académie. L’aide versée peut aller de 1 020 à 5 612 euros pour l’année.

Vous pouvez également faire une demande de logement d’urgence si vous rencontrez des difficultés à ce niveau.

Aides : contactez votre Conseil général

En plus du CROUS et du RSA, il existe des aides propres à chaque département notamment, l’allocation à l’Aide Sociale à l’Enfance. Celle-ci sera calculée en fonction de votre situation. N’hésitez donc pas à contacter le Conseil général de votre département.

A-t-on droit à une place prioritaire en crèche ?

Bébé est là ! Vous devez maintenant trouver un mode de garde, afin de reprendre vos cours. Pour ce qui est de la prise en charge de votre enfant, il existe des crèches mises en place par différentes universités en France. N’hésitez pas à vous renseigner auprès de votre campus pour savoir si celui-ci en possède une. Il ne faut pas hésiter non plus à en parler à vos professeurs, qui peuvent vous aider : « Mes professeurs ont été très compréhensifs. J’ai accouché entre le premier et le deuxième semestre, et j’ai pu suivre tous les cours en distanciel et avoir des travaux pratiques aménagés», témoigne Marine.

Maman étudiante : comment faire garder son enfant ?

Le mode de garde est un sujet crucial quand on est étudiante et maman. Si votre emploi du temps vous le permet, vous pouvez envisager de mettre votre enfant à la halte-garderie. A la différences des crèches classiques, les halte-garderies prennent les enfants en charge sur des plages horaires moins importants. L’accueil peut s’effectuer quelques heures, voire quelques demi-journées par semaine. Il en existe des publiques et des privées. Une bonne solution si vous arrivez à grouper vos horaires d’études sur quelques demi-journées.

 


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Lycéenne et maman, comment être aidée ?

Chaque année, en France, environ 4 500 jeunes femmes mineures mettent au monde un enfant. Parmi elles, 500 ont moins de 15 ans. Ces “mamans ados” vivent souvent leur grossesse dans l’isolement, parfois coupées de leur famille. Des structures existent pour leur venir en aide, tout au long de leur grossesse et pour les accompagner dans les débuts de leur vie avec leurs enfants. « Les mamans lycéennes éprouvent de grandes difficultés, dues à leur jeune âge et à une situation souvent précaire. Il faut savoir qu’en France, quand la maman est mineure, un enfant sur deux est placé à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) dans ses quatre premières années, ce qui est un chiffre très important », alerte Florence Cornu. Afin d’aider au maximum ces très jeunes mamans, le SAMELY (Service d’accompagnement des mères lycéennes), a été créé en Ile-de-France. C’est une structure spécifique qui vient en aide aux lycéennes enceintes ou mamans. « Nous aidons les mamans pendant les deux années suivant la naissance, de deux façons. Premièrement, nous pouvons garder leurs enfants durant les périodes d’examens, afin d’alléger leur charge mentale. Ensuite, nous organisons des séjours Parentalité, où les mamans peuvent discuter entre elles, consulter un psychologue. Nous y proposons aussi des Ateliers Santé et Enfant. Les mamans peuvent aussi passer du temps informel avec leur bébé ».

Ce dispositif n’est pour l’instant présent qu’en Ile-de-France. Pour les autres régions, il existe d’autres organismes dédiés : « Il y a bien sûr la Protection Maternelle et Infantile (PMI), présente dans chaque département. Les mamans lycéennes peuvent aussi contacter l’infirmière scolaire, qui les aidera à avoir les bonnes informations et les orientera vers les structures qui les aideront. Des Forums existent aussi pour les mamans étudiantes et lycéennes, pour rompre l’isolement et libérer la parole.

Auteur : Antoine Blanchet, Journaliste
Avec Florence Cornu, directrice du secteur des PEP75 et gestionnaire du SAMELY


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Quand maternité et scolarité se croisent.

Quand maternité et scolarité se croisent.

Journal enfance et Psy

Mélanie Jacquemond
Sarah Machrouh
Justine Mareau

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Résumé
Le Service d’accompagnement des mères lycéennes (SAMELY) accompagne près de deux cents jeunes femmes chaque année en Île-de-France, dans le cadre de la lutte contre le décrochage scolaire. Les origines et le contexte de ces grossesses adolescentes sont variés et il semble difficile d’en dresser un profil type. Néanmoins grossesse et parentalité précoce, ne sont pas anodines et font sens. La survenue de cet évènement à l’adolescence, période de transition identitaire, renforce la vulnérabilité des jeunes mères. Faire coexister statut d’élève et rôle de mère est un défi complexe à relever, tant sur le plan identitaire qu’organisationnel et peut être vecteur de décrochage ou de raccrochage scolaire. L’enjeu est crucial pour les jeunes mères et les professionnels qui les accompagnent : faire cohabiter l’insertion de l’adolescente et le développement d’un lien mère-enfant de qualité.
Mots-clés : Adolescence, grossesse précoce, maternité, lien mère-enfant, prévention, parentalité, scolarité, insertion, orientation, partenariat,

Introduction

En France, l’âge moyen de la première maternité est passé de 26,1 ans en 1975, à 30,9 ans aujourd’hui. À une époque où la durée d’études s’allonge et où l’âge de la première maternité ne cesse d’augmenter, la survenue d’une grossesse à l’adolescence étonne.
Le taux de grossesse chez les adolescentes est élevé avec 18 000 grossesses par an chez les mineures et environ 4 500 naissances1. Ce chiffre reste relativement stable malgré la mise en place d’une politique de prévention accrue et la recrudescence du recours à l’IVG pour cette population.
Dans ce contexte, l’advenue d’une grossesse vue comme non désirée et la parentalité qui en découle questionnent. Quelles réalités se cachent sous ces statistiques et quel est le sens de ces naissances ? Plus largement, quel avenir pour ces jeunes femmes, devenues mères précocement ?
Dans son rapport de 2011, Gynécologie sans frontière nous interpelle : « sans soutien au niveau scolaire, 50 à 75 % des adolescentes abandonnent l’école au cours de la grossesse et seulement la moitié y retournera après ». Face à ce constat, l’association PEP75 lutte activement contre le décrochage scolaire des lycéennes enceintes ou mères, par l’action du Service d’accompagnement des mères lycéennes (SAMELY). Les PEP75 appartiennent à une fédération nationale regroupant un ensemble d’associations départementales. Présentes sur tout le territoire, elles interviennent au profit de plus de 300 000 enfants, adolescents, familles et adultes de tout âge. À Paris, les PEP75 mettent en place, depuis plus de cent ans, des projets favorisant la construction d’une société inclusive et viennent en soutien aux élèves en difficulté, à travers la gestion de services complémentaires de l’Éducation nationale :

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Mélanie Jacquemond, Responsable SAMELY Île-de-France ; m.jacquemond@pep75.org
Sarah Machrouh, référente SAMELY, département de l’Essonne ; s.machrouh@pep75.org
Justine Mareau, référente SAMELY, département de Seine-et-Marne ; justine.mareau@hotmail.fr
1 Rapport de Gynécologie sans frontière issue de la 3e journée humanitaire sur la santé des femmes en France et dans le Monde – 2011.

– Les services des ateliers relais et de l’accueil scolaire reçoivent des collégiens en voie de déscolarisation. Ils ont pour objectif de favoriser la rescolarisation et la resocialisation de ces élèves en risque de marginalisation scolaire et d’exclusion.
– Le service d’assistance pédagogique à domicile (SAPAD), service académique qui permet d’éviter la rupture de scolarité des élèves absents de leur établissement pour raison de santé en mettant en place des cours à domicile.
– Le SAMELY lutte contre le décrochage scolaire des élèves enceintes ou mères en proposant un accompagnement personnalisé, pendant la grossesse et après la naissance de l’enfant.

Notre propos s’appuiera donc sur l’expérience du SAMELY menée depuis six ans en Île-de-France.

Le contexte des grossesses à l’adolescence

Il semble aujourd’hui difficile de dresser un profil type de « l’adolescente enceinte » compte tenu de la grande diversité des histoires, des parcours et des personnalités. Comme le souligne Le Van (2006, p. 228), les études menées pour tenter d’expliquer le phénomène « s’appuient sur un échantillon non représentatif de la population des jeunes mères. Elles sont en effet fondées sur l’observation d’adolescentes, qui, soit relèvent du secteur social, soit suivent une psychanalyse, soit consultent pour des problèmes médicaux […]. Celles qui seraient susceptibles de bien vivre cette situation ne sont donc pas prises en compte ».
L’appellation même de grossesse adolescente semble restrictive car il y a autant d’histoires qu’il y a de jeunes femmes. Il semblerait plus juste de parler de grossesses à l’adolescence puisque le point commun de ces grossesses est qu’elles interviennent à un âge précoce. Trois explications sont évoquées pour comprendre la survenue d’une grossesse à l’adolescence :
– le défaut d’information concernant la contraception,
– les enjeux psychologiques et affectifs,
– l’importance de la reconnaissance sociale.

Le lien entre le manque d’information sur la contraception et la survenue de la grossesse à l’adolescence est souvent mis en avant. Cette hypothèse n’est plus dominante aujourd’hui, compte tenu de l’amélioration de l’accès à l’information et du développement des actions de prévention. Et même si nous observons la persistance de fausses croyances qui montrent le manque de connaissances abouties concernant la contraception chez certaines jeunes femmes, il est aujourd’hui certain que la naissance de leur enfant n’est pas exclusivement liée à un défaut d’information.
L’expérience du SAMELY nous permet d’observer fréquemment, chez les jeunes femmes, la présence d’enjeux psychologiques et affectifs forts qui se révèlent et viennent faire irruption dans la réalité à travers la grossesse et le choix de garder l’enfant.
Comme le témoigne Yasmine, mère lycéenne de 17 ans : « C’était un accident, je ne pensais pas pouvoir être enceinte, mais je me rends compte après-coup que je voulais avoir mon fils », mettant ainsi en avant la présence d’un désir d’enfant, à la frontière entre le conscient et l’inconscient.
Bettoli (2003, p. 184) distingue sept processus psychologiques en jeux lors des grossesses à l’adolescence :
– la « grossesse antidépressive » qui vient combler un vide existentiel et donne un sens à sa vie. L’enfant constitue la possibilité d’un point d’ancrage,
– la grossesse vécue comme une prolongation de soi. Le bébé fait partie de la mère et toute rupture au niveau de ce sentiment de continuité vient la fragiliser,
– la grossesse défi, pour s’opposer aux parents, pour se détacher ou se rendre autonome,
– la grossesse réparation où l’enfant s’inscrit comme objet d’amour pour une mère ayant des carences affectives liées à des ruptures ou des dysfonctionnements familiaux,
– la grossesse comme facteur de répétition maternelle. La jeune femme tombe enceinte au même âge que sa propre mère,
– la grossesse comme besoin de vérifier la fertilité,
– la grossesse chez des jeunes femmes originaires d’autres pays dans lesquels il est culturellement et socialement normal d’avoir un enfant à cet âge.

Enfin, la troisième piste explicative des grossesses à l’adolescence qui apparaît dans la littérature est la quête de reconnaissance sociale, sous l’influence des stéréotypes féminins traditionnels. Le Van (2006) postule ainsi qu’il existe un lien entre grossesse précoce et problème de socialisation. À travers la maternité, la jeune femme cherche à donner un sens à sa vie, à acquérir un statut social. Dans ce contexte, il apparaît important que la scolarité soit investie, pour permettre aux adolescentes d’occuper une autre place dans la société qu’uniquement celle de mère. Ainsi, à travers la scolarité et en acquérant un diplôme, elles pourront gagner en indépendance, trouver une reconnaissance sociale différente et renforcer l’estime de soi.

De l’importance de faire coexister maintien de scolarité et lien mère-enfant

L’importance de l’identité d’élève

Les jeunes femmes scolarisées dans des filières qu’elles investissent sont incluses dans un groupe de pair(e)s à qui elles s’identifient et se sentent appartenir. Le rythme de la scolarité structure le quotidien de ces jeunes femmes et donne un sens à leurs journées ainsi qu’un but à leurs efforts. À l’inverse, les jeunes femmes déscolarisées perdent progressivement leur place au sein de leur groupe de pair(e)s et leur identité de lycéenne. Ce sentiment d’être différente, mise à l’écart, est amplifié par le statut singulier de mère adolescente. Pendant l’adolescence, période où l’appartenance au groupe est essentielle, la sensation d’isolement est difficile à vivre, amenant des temps de déprime et de dépréciation. Face aux difficultés rencontrées, la jeune femme se décourage et perd confiance en elle. On observe parfois, dans ces moments, un agacement de la mère à s’occuper de son bébé, une impatience à répondre à ses sollicitations. La relation mère-enfant peut se dégrader si l’enfant est vécu, plus ou moins consciemment, comme responsable de l’échec maternel.
Par la mise en place d’actions collectives autour de la scolarité ou de la relation mère-enfant, le SAMELY permet aux adolescentes de rompre leur isolement. Comme en témoigne Amina : « Avant, je pensais être toute seule dans ma situation… Grâce à mon lycée, j’ai discuté avec des copines, puis j’ai rencontré le SAMELY et je connais maintenant d’autres mamans jeunes. On peut discuter, je me sens moins seule. Avec mes amies du lycée et avec celles du SAMELY, on peut réviser nos examens ensemble. »

L’établissement du lien mère-enfant

La mission principale du SAMELY est de favoriser le maintien scolaire des mères lycéennes. Cependant, il est essentiel que la reprise de la scolarité ne se fasse pas au détriment de la construction du lien avec l’enfant.
L’adolescence est un temps de construction, de maturation qui plonge dans la quête de nouveaux modèles pour se construire une identité d’adulte. Elle représente, ainsi que la grossesse, des périodes de crise dans le développement, engendrant une vulnérabilité psychoaffective importante. Dans un contexte favorable, pendant le temps de la grossesse, la jeune femme fait l’objet d’une attention particulière du corps médical, de l’établissement scolaire, de la famille et du compagnon… C’est alors une parenthèse contenante pour ces futures mères dont l’enfant à venir est vécu comme réparateur. Cette illusion est bien souvent rattrapée par la réalité de la naissance. Les jeunes femmes doivent alors composer avec leurs propres besoins et ceux de l’enfant, rendant la relation tantôt paisible, tantôt chaotique, à l’image des mouvements traversés à l’adolescence. À ceci s’ajoutent la dégradation des conditions de vie et la précarisation de la situation, qui impactent le bon développement du lien mère-enfant.
L’investissement de l’enfant par la mère peut également être conditionné par la qualité du soutien de l’entourage et du partenaire. L’annonce de la grossesse est un bouleversement qui vient cristalliser les difficultés déjà présentes au sein de la famille. Elle entraîne souvent une rupture des liens, momentanée ou définitive. Si le réseau familial apporte à l’adolescente un cadre contenant, la création du lien avec le bébé en est facilitée. Nous observons que les jeunes femmes ont parfois besoin d’un étayage autour du lien mère-enfant et, de façon systématique, un réel besoin d’être rassurées et soutenues de façon bienveillante sur leurs capacités à devenir mère ; pas des mères parfaites, mais des mères suffisamment bonnes, au sens de Winnicott.
Au niveau de la scolarité, il s’agit d’être vigilant à ce que les jeunes femmes ne reprennent pas les cours de façon prématurée, comme c’est parfois le cas, notamment dans les situations de déni de grossesse. La scolarité représente un projet exigeant, mais uniquement envisageable si la jeune femme a investi son rôle de mère et si les conditions de vie le permettent : hébergement stable, mode d’accueil pour l’enfant, établissement scolaire conciliant…

La grossesse entre décrochage et raccrochage scolaire

Chaque grossesse est unique. Les freins et les résistances à la scolarisation le sont également, nécessitant des réponses « sur-mesure », adaptées à chaque situation.
La première difficulté rencontrée est le nombre important de rendez-vous auxquelles les jeunes femmes doivent se rendre pour leur suivi médico-social et celui de leur enfant. Ces rendez-vous engendrent de nombreuses absences scolaires auxquelles s’ajoutent celles liées aux difficultés psychiques et physiques. Ware (1999) explique que, pendant la grossesse, les adolescentes ont fréquemment des difficultés à anticiper les difficultés à venir, se cantonnant à l’immédiat et au concret. Pendant cette période, l’adolescente s’organise seule pour ses dates d’interruption et de reprise de cours selon son état de santé. Le congé maternité n’existe pas dans l’Éducation nationale et le statut de mère-élève non plus. Ce choix dépend aussi de l’obtention d’un mode d’accueil pour le bébé, de la capacité de séparation et de la nécessité à réussir sa scolarité. Évidemment, les absences ont un impact sur la scolarité de l’adolescente, engendrant fréquemment un décrochage.
Par ailleurs, le sentiment de honte et d’incompréhension peut jouer un rôle dans le décrochage. Taïs se confie : « Je suis arrivée en retard. J’ai dit que je m’excusais, que je déposais ma fille à la crèche. Ma prof m’a répondu : “Moi aussi je suis maman et ne suis pas en retard à mon travail, le matin !” Je me suis sentie jugée. » La peur d’être stigmatisée pousse certaines jeunes femmes à quitter l’école avant que leur grossesse soit visible où à la masquer. Assa témoigne : « J’ai ma fille en fond d’écran sur mon téléphone, les filles de ma classe pensent que c’est ma petite soeur, je ne leur ai pas dit la vérité. »
De manière paradoxale, certaines lycéennes réinvestissent leur scolarité quand elles apprennent leur grossesse. L’arrivée de l’enfant provoque chez elles une prise de conscience et une accélération de la maturité. Qu’elles soient en situation de décrochage par manque d’intérêt pour leur filière ou par désintérêt pour l’école, la naissance pousse ces jeunes femmes à réagir. L’attention des professionnels que suscite leur situation, leur offre l’occasion de prendre un nouveau départ : soit dans le réinvestissement de leur scolarité, soit via une réorientation vers une filière qu’elles choisissent.

L’intervention du SAMELY

Création et missions du SAMELY

Le service du SAPAD, géré par les PEP75, propose des cours à domicile aux élèves absents de leur établissement pour raisons médicales. Mis en place pour des élèves enceintes, il est cependant apparu comme insuffisant pour éviter leur décrochage scolaire. Pour remédier à cela, le SAMELY a donc été créé en 2013. Il défend l’idée que ces jeunes femmes peuvent concilier une vie de mère et d’élève. D’abord expérimenté à Paris avec une dizaine de jeunes femmes, le service a ensuite été développé en Seine-et-Marne, en Essonne et en Seine-Saint-Denis. Il prend en charge chaque année environ deux cents jeunes femmes dans un objectif de maintien de scolarité tenant compte de l’ensemble de la situation de chacune.

Les actions du dispositif se déclinent autour de trois axes :

L’accompagnement individuel de soutien à la scolarité

Orientées par des professionnels repérant les situations de grossesses précoces, les adolescentes se voient proposer un accompagnement de deux ans maximum, visant la réalisation du projet scolaire. Au travers des rendez-vous réguliers au bureau ou à domicile, la référente et l’adolescente vont s’attacher à comprendre ce qui fait frein à la scolarisation et à y répondre.
L’accompagnement individuel est un espace d’écoute et un point d’ancrage à la croisée des différentes problématiques et des professionnels rencontrés. Il permet aux jeunes femmes de faire le point sur leurs difficultés et les aide à penser la coexistence des différentes facettes de leur identité. Dans cette période de fragilité, la compréhension du contexte de vie global de l’adolescente, mère en devenir, permet un soutien dans un projet d’orientation scolaire adapté et ouvrant la perspective d’un futur possible.

La mise en place d’actions collectives

Durant les congés scolaires, des stages de révision ou des séjours parentalité sont proposés aux jeunes femmes enceintes ou avec leur enfant. Les stages de révision offrent un soutien quasi individuel qui permet de surmonter les difficultés scolaires, sans la pression de la classe et le sentiment d’être jugée.
Les séjours parentalité mettent l’accent sur le renforcement du lien mère-enfant, par la participation à des ateliers (massage bébé, éveil musical…) et à des groupes de discussion sur des thématiques en lien avec la maternité, le développement de l’enfant, l’égalité femme-homme, la contraception. Ces ateliers, hors du quotidien des jeunes femmes, favorisent une parole libérée. Pendant ce temps, les bébés sont gardés, permettant ainsi aux mères d’avoir un espace pour elles.
Ces actions collectives permettent la rencontre et l’échange d’expériences entre jeunes femmes, rompant ainsi l’isolement et renforçant l’estime de soi. Elles ont un impact fort sur les jeunes femmes, qui profitent de la contenance du groupe et de la prise en charge, pour prendre du recul sur leur vie. Elles reprennent espoir et confiance en leur capacité de réussite. Études, gestion du couple, éducation du bébé, émancipation parentale… sont autant de sujets qui les questionnent.

Mobilisation de partenaires pour l’accès au soin et au soutien social

À partir du projet individuel de la lycéenne, une coordination opérationnelle est mise en place avec les acteurs de la santé, de l’Éducation nationale, des services sociaux, des services d’aide à l’insertion et des services de protection maternelle infantile (PMI). La coordination du réseau de partenaires a pour but d’accompagner au mieux la jeune femme dans ses démarches, de façon cohérente et commune.
Les ruptures d’hébergement auxquelles font souvent face les mères-adolescentes entraînent changements de territoire, d’établissement et donc de professionnels référents. Le SAMELY, qui opère sur quatre départements franciliens, continue de soutenir les jeunes femmes malgré les fluctuations de leur situation.

La nécessité du maillage partenarial pour une bonne prise en charge

Le SAMELY œuvre au maintien de la scolarité et s’assure du bon cadre de vie des jeunes femmes, en s’appuyant sur différents partenaires aux actions ciblées. Devant la multiplicité des acteurs, il aide à la coordination et participe à des réunions de synthèse ou les priorités d’accompagnement et les missions de chacun sont définis :
En lien étroit avec les équipes des établissements scolaires, le service aide l’adolescente à aménager sa scolarité autour de sa grossesse et à anticiper l’arrivée de son enfant. Il encourage également la prise de contact vers le service social, acteur primordial dans la compréhension des droits et dans la lutte contre la précarité. Lorsque la relation entre la mère et le bébé nécessite un étayage, le SAMELY accompagne les jeunes femmes dans une demande de prise en charge au sein des centres maternels qui présentent un cadre de vie stable et sécurisant, indispensable au bon lien mère enfant mais aussi à la réalisation du projet scolaire. Dans ce cadre, le SAMELY travaille régulièrement avec les services éducatifs et l’Aide sociale à l’Enfance (ASE) dans le cadre de mesures éducatives, administratives ou judiciaires. La prise en charge médico-psychologique de la mère et de l’enfant, effectuée par les équipes médico-sociales de PMI, maternité et plannings familiaux est essentielle. Référentes en matière de suivi de grossesse, elles sont aussi particulièrement vigilantes à la relation établie au sein de la dyade ; et aux difficultés de la vie affective et sexuelle des adolescentes. Enfin, des observations croisées permettent d’intervenir en cas de difficultés spécifiques dans la parentalité, violences conjugales, défaut de contraception mais aussi d’appuyer les demandes de mode d’accueil bébé.
Les orientations vers des partenaires, et spécifiquement vers les services de santé mentale, sont difficiles à initier. Tout d’abord, car les jeunes femmes ne formulent pas de demande explicite, à cause soit d’une trop grande détresse, soit d’une difficulté de mentalisation. Les représentations des « psys » et la peur de la folie contribuent à cette non-demande. Déconstruire leurs représentations, les rassurer et faire émerger une conscientisation de leur besoin est un travail qui exige du temps. Cela nécessite aussi de trouver un lieu de soin prêt à les recevoir avec l’ambivalence de leur investissement, leur manque de temps, parfois la présence de l’enfant, etc. Inscrites dans des parcours souvent chaotiques et émaillés de rupture (abus sexuels, violences familiales et/ou conjugales, parcours ASE, exil, abandon…), le manque de solution à cet endroit est prégnant.

Le parcours d’Alima et son accompagnement au sein du service

Alima a 16 ans quand elle apprend qu’elle est enceinte. Cette grossesse inattendue est un chamboulement pour la jeune femme car elle remet en question la stabilité de son jeune couple, sa scolarité et son projet de devenir infirmière. A cette période, elle habite chez sa mère à l’étranger. Investie dans sa scolarité, elle est scolarisée dans un lycée en filière littéraire.
L’annonce de cette nouvelle crée de fortes tensions dans la famille. Alima et son compagnon se séparent. La jeune femme se sent peu soutenue par sa mère qui ne comprend pas son choix de mener à terme la grossesse et l’éloigne du domicile familial. L’adolescente décide alors de rejoindre son père en France, espérant trouver du soutien auprès de lui et un meilleur avenir pour son enfant.

Première année d’accompagnement

Alima est orientée vers le SAMELY par la sage-femme qui suit sa grossesse. Enceinte de 5 mois, la jeune femme est arrivée en France un mois et demi auparavant. L’équipe la rencontre à plusieurs reprises, à domicile. Parfois en présence de son père. La jeune femme est très isolée depuis son arrivée et la communication avec ce père qu’elle connaît peu est difficile. Elle a hâte de faire évaluer son niveau scolaire par le CASNAV2 et de pouvoir intégrer une classe. En attendant, la référente SAMELY s’assure auprès de la maternité et de la PMI que le suivi de grossesse est bien mis en place. Elle met également Alima en lien avec le service social pour effectuer une demande de mode d’accueil pour le bébé et pour qu’Alima bénéficie d’un soutien dans la préparation de l’arrivée de son enfant (démarches administratives, aides matérielles et financières…).
Alima donne naissance à sa fille, Serena, au mois de septembre. Convoquée à l’évaluation du CASNAV, seulement deux jours après son accouchement, la jeune femme tient à se présenter aux épreuves malgré la situation. L’hôpital accepte de garder le bébé durant ce temps. Fatiguée par la naissance récente de son bébé, la jeune mère quitte l’hôpital inquiète de cette première séparation prématurée. Les tests sont une réelle épreuve pour la jeune mère, peinée par la séparation avec son bébé et qui rencontre des difficultés à se concentrer.

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2 Centres académiques pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés

Quelques semaines plus tard, Alima est affectée au lycée, en classe d’UPE2A3. Le SAMELY contacte son lycée pour aider à la compréhension de la situation et organiser un aménagement de scolarité. La référente accompagne Alima, avec son bébé et son père à la réunion parents-professeurs de rentrée scolaire. À ce moment, sans mode d’accueil, Alima ne peut reprendre les cours et il est demandé à l’établissement de conserver sa place quelques semaines, le temps qu’elle trouve une solution. Compréhensive, la professeure principale envoie les cours et les exercices à la jeune femme à domicile. Très motivée, Alima travaille tout en s’occupant de son bébé.
En dépit de sa minorité et du caractère prioritaire de sa demande, la situation administrative d’Alima freine l’obtention d’un mode d’accueil, même en crèche municipale. Sans relais familial ou amical pour la garde du bébé, Alima doit rester au domicile et elle perd sa place en UPE2A. Elle restera déscolarisée toute l’année scolaire. Abattue, Alima surinvestit l’accompagnement SAMELY qui entretient sa motivation et représente une chance de rescolarisation. Elle sollicite des rendez-vous très régulièrement et s’en saisit pour parler de son rôle de mère, de sa relation parfois difficile à son père, de son inquiétude d’être déscolarisée et de son isolement. Elle participe également à des actions collectives de remobilisation scolaire, organisées par le service, au cours desquelles les professeurs valorisent ses efforts : Alima est sérieuse, elle apprend et comprend vite.
Au fil des mois, et sans occupation quotidienne, la relation d’Alima avec son père se dégrade. Alima se renferme et la référente SAMELY observe, lors des visites à domicile, que le lien avec son enfant en pâtit. Lors d’une synthèse organisée par la PMI, le croisement des observations amène à se prononcer en faveur d’une demande de centre maternel qui soutiendra la jeune femme dans son rôle de mère. Les démarches aboutissent rapidement, Alima et sa fille s’y installent durant l’été, permettant à Serena d’intégrer la crèche du centre.
Alima a 17 ans lors de la rentrée suivante. Au vu de son âge et de son absence de scolarité l’année précédente, elle n’est plus prioritaire pour obtenir une place en cours cette année. Le SAMELY se mobilise et obtient finalement une réaffectation en UPE2A grâce au soutien appuyé des professionnels du CIO et des professeurs rencontrés en stage de soutien scolaire.

La rentrée en UPE2A

Alima effectue sa rentrée avec quelques semaines de décalage mais l’année débute bien. La jeune femme investit beaucoup sa scolarité, ses professeurs saluent sa ténacité et sa capacité de travail. Cependant, le rythme est difficile à tenir. Les horaires de la crèche et de ses cours ne sont pas toujours compatibles et Alima est régulièrement en retard d’un côté ou de l’autre. Elle se sent jugée quant à ses capacités d’être une bonne mère et une bonne élève.
Une rencontre est alors organisée par le SAMELY, au sein du lycée et en présence du centre maternel. Les priorités sont discutées et l’emploi du temps de la jeune femme est aménagé. Alima, rassurée, obtient l’autorisation de partir le soir en avance pour aller chercher sa fille à la crèche. Par la suite, le SAMELY effectue des points réguliers pour éviter que ne se reproduisent de tels évènements. L’année est difficile pour Alima qui garde cependant sa motivation et participe de nouveau à un stage de soutien scolaire organisé par le SAMELY. Cette mise en lien avec les paires est essentielle pour la jeune femme car cela l’encourage à persévérer.
En parallèle, le SAMELY travaille avec Alima sa demande d’orientation pour l’année suivante, en prenant en compte son désir, son niveau scolaire et sa réalité. Le centre maternel conseille à Alima d’effectuer des études courtes pour s’assurer une autonomie financière rapide et la professeure principale appuie une orientation en CAP au vu de son niveau. Plus sûre d’elle, Alima confirme son choix d’orientation en baccalauréat professionnel pour devenir infirmière. Convaincue qu’elle saura trouver des solutions à ses difficultés, elle se fait confiance.
Alima obtient son brevet des collèges avec mention à la fin d’année et est affectée en baccalauréat professionnel Accompagnement, soins et services à la personne (ASSP) dans un lycée. À la rentrée suivante, elle sollicite un lycée plus proche de son domicile et, soutenue

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3 Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants.

par le SAMELY, y obtient une place. Réduisant considérablement les transports et lui permettant de passer plus de temps avec sa fille.
Au bout de deux ans, l’accompagnement SAMELY d’Alima prend fin. L’intervention combinée des différents professionnels et la manière avec laquelle la jeune femme s’en est saisie, ont permis à cette adolescente, jeune adulte, d’accéder à son projet de rescolarisation. Plus mature et autonome, elle envisage aujourd’hui son avenir professionnel et maternel sereinement.

Conclusion

Comme nous l’avons vu précédemment, les grossesses à l’adolescence recouvrent des réalités et des significations multiples. Adolescentes et mères, les jeunes femmes font face à des enjeux communs et, pour toutes, la maternité fait sens. Comme le suggère Deschamps (1976, p. 234), « la maternité de l’adolescente est un signe, un appel des jeunes aux adultes pour plus de disponibilité, plus d’affection et de communication ; il convient d’y répondre avec un soin tout particulier pour celles qui le manifestent aussi personnellement : sans soutien, leur grossesse, leur maternité, toute leur vie, peut-être, sont vouées à l’échec. Il tient à nous tous de faire qu’il soit autrement ».
C’est un objectif ambitieux pour les jeunes femmes de mener de front maternité et scolarité. Néanmoins, le SAMELY soutient qu’avoir un enfant à l’adolescence ne destine pas nécessairement à une exclusion scolaire ou sociale. Bydlowski (2000) souligne que, dans des conditions favorables, la jeune fille peut saisir cette première grossesse pour s’engager dans la vie d’adulte. Il s’agit donc d’avoir confiance en leurs potentialités et de laisser les jeunes femmes faire coexister investissement de leur grossesse et de l’enfant et maintien de leur scolarité.
Il semble donc essentiel de proposer un accompagnement adapté, s’inscrivant dans la durée et leur permettant d’être reconnue aussi bien comme mère, que lycéenne. Pour cela, le travail en réseau est indispensable. C’est ce que met en oeuvre le SAMELY en s’adaptant à la temporalité de la jeune femme, à ses ambivalences et à ses paradoxes. En laissant la jeune femme expérimenter tantôt l’autonomie tantôt un soutien contenant.

Bibliographie
BETTOLI, L. 2003. « Parents mineurs : la grossesse, facteur de maturation pour les jeunes parents ? quels risques comporte-t-elle ? quel accompagnement à Genève ? », Thérapie Familiale, vol. 24, p. 179-191.
BYDLOWSKI, M. 2000. « L’entrée dans l’âge adulte à l’épreuve de la première maternité », Adolescence, vol. 18, p. 605-620.
COURTECUISSE, V. 1992. L’adolescence : les années métamorphose, Paris, Stock/Laurence Pernoud.
DESCHAMPS, J.-P. 1976. Grossesse et maternité chez l’adolescente. Paris, Centurion.
LE VAN, C. 2006. « La grossesse à l’adolescence : un acte socialement déviant ? », Adolescence, vol. 55.
WARE, L M. 1999. « Les grossesses des adolescentes aux États-Unis d’Amérique », Devenir, n° 11, p. 23-48.

Article du Parisien sur Le Samely

Article du Parisien sur Le Samely

Lycéenne… et maman : en Ile-de-France, une association aide 200 jeunes femmes à poursuivre leur scolarité


Le 20 septembre 2020 à 15h33, modifié le 28 septembre 2020 à 14h52
Photo: Meaux (Seine-et-Marne), le 15 septembre. Hélène, lycéenne en bac pro, est maman d’une petite fille de 2 ans. LP/H.H.

Elles sont mamans mais la rentrée scolaire, ce sont elles qui l’ont faite, pas leurs enfants. En France, en 2018, 11 700 nourrissons ont été mis au monde par une mère âgée de moins de 20 ans. Parmi ces jeunes filles, bon nombre d’entre elles étaient encore inscrites au lycée lorsqu’elles sont tombées enceintes. Avec la grossesse, puis la maternité, elles se retrouvent alors dans une situation scolaire compliquée, voire taboue. La scolarité n’étant plus obligatoire à partir de 16 ans, les risques de décrochage sont grands. « A l’école, le congé maternité n’existe pas. Une élève n’est pas censée s’absenter pendant quatre mois. L’Education nationale n’a pas pensé à cela », explique Mélanie Jacquemond, coordinatrice du Samely, le Service d’accompagnement des mères lycéennes.

Créé en 2013 avec le soutien de la région Ile-de-France — en charge de la gestion des lycées —, ce service est basé dans le XIXe arrondissement de Paris et rattaché aux PEP 75 (Pupilles de l’enseignement public). Une association qui milite pour le droit aux loisirs, à l’éducation et la culture pour tous. Le Samely accompagne près de 200 jeunes mères par an afin de les aider à poursuivre leur scolarité, souvent semée d’embûches entre les absences, les problèmes de garde et le jugement moral de la société.

« On aimerait couvrir l’ensemble de la région »

Créé à Paris dans un premier temps, le service s’est développé en Seine-et-Marne et dans l’Essonne en 2014, puis en Seine-Saint-Denis en 2019. « On a priorisé les départements où les PEP avaient déjà une antenne locale et où les demandes étaient importantes. On va d’ailleurs renforcer notre équipe sur Paris et la Seine-Saint-Denis. Et à terme, si on arrive à trouver de nouveaux partenaires financiers, on aimerait couvrir l’ensemble de la région Ile-de-France, car il y a des besoins partout », note la responsable.

Avant de lancer le Samely, les PEP 75 s’occupaient déjà du Sapad 75, un service qui permet aux enfants malades de suivre des cours à domicile. « Lors de leur grossesse, certaines jeunes filles en bénéficient. C’est comme cela qu’on a eu l’idée de développer le Samely plus adapté aux difficultés qu’elles rencontrent. On les accompagne dans diverses démarches », souligne Mélanie Jacquemond.

« De nombreuses mamans se retrouvent dans des situations très précaires »

Dans chaque département, une coordinatrice dédiée suit les jeunes femmes durant deux ans. « Pour entrer dans le dispositif, elles doivent avoir un vrai projet scolaire. On les aide à bénéficier de cours à la maison, on fait le lien avec le lycée pour mieux adapter leur scolarité à leurs contraintes. On peut par exemple demander le report d’un examen s’il tombe durant le congé maternité. On va aussi orienter les jeunes filles vers les services qui vont les aider à bénéficier de ce à quoi elles ont le droit : allocations familiales, RSA, demande d’une place en crèche… Tout ce qui peut leur permettre de gagner en indépendance. Surtout qu’elles ne restent pas toutes chez leurs parents. Or, pour réussir à l’école, il faut qu’elles vivent dans de bonnes conditions. De nombreuses mamans se retrouvent dans des situations très précaires, certaines n’ont pas de papiers. »

En 2019, 61 % des jeunes filles suivies par le Samely ont poursuivi leurs études

Le Samely organise également des séjours entre jeunes mères où elles peuvent discuter de leur maternité et de leur projet professionnel. Si le service suit parfois des collégiennes ou des étudiantes, la majorité des jeunes filles ont autour de 17 ans, sont lycéennes et vivent sans le père du bébé. La plupart n’avaient pas planifié leur grossesse, voire l’ont découverte une fois passés les délais légaux d’avortement. Ces jeunes femmes sont envoyées au Samely par l’infirmière de leur lycée, les centres de protection maternelle et infantile ou diverses structures. « On a fait le choix de ne pas communiquer directement dans les établissements scolaires auprès des adolescentes. Ce sont des professionnels qui nous mettent en contact avec elles », relate Mélanie Jacquemond.

Certaines sont encore enceintes quand elles rejoignent le Samely, d’autres ont déjà accouché. « Plus on les accompagne tôt dans leur grossesse, plus les risques de décrochage sont réduits », constate la coordinatrice. En 2019, 61 % des jeunes filles suivies par le Samely ont poursuivi leurs études en obtenant un examen, en passant dans la classe supérieure ou même en redoublant. « Ce qui peut être la solution quand il y a eu beaucoup d’absences », pointe Mélanie Jacquemond.

Hélène, élève à Meaux et maman d’une petite fille de deux ans

Sans le Samely (Service d’accompagnement des mères lycéennes), elle n’aurait sans doute « jamais réussi son CAP ». À la fin de l’année scolaire, Hélène passera son bac professionnel dans un lycée de Meaux (Seine-et-Marne). À 20 ans, cette lycéenne est maman d’une petite Chloé, qui a fêté ses deux ans au printemps dernier. Contrairement à d’autres jeunes filles, elle a été suivie par le Samely après la naissance de son enfant.

« J’ai fait un déni de grossesse et j’ai découvert que j’étais enceinte peu de temps avant mon accouchement. C’est une personne de la maison départementale (NDLR : des solidarités) qui m’a mise en contact avec le Samely. Je ne savais pas que ça existait. Au lycée, personne ne m’en avait parlé », raconte Hélène, orpheline et arrivée de Centrafrique à 16 ans.

« J’ai manqué beaucoup de cours car je n’avais pas de solution de garde »

La jeune femme s’est retrouvée quelque temps à la rue après avoir dévoilé sa grossesse à ses proches installés en France. Aujourd’hui, elle a retrouvé un logement.

« Ça a été difficile. Quand ma fille est née, j’étais en CAP. J’ai manqué beaucoup de cours car je n’avais pas de solution de garde. Le Samely m’a aidé à bénéficier de cours à domicile, à trouver une place en bac pro à Meaux, où j’habite, car avant j’étais scolarisée à Gagny, en Seine-Saint-Denis. C’était compliqué au niveau des trajets. » Aujourd’hui, sa petite fille va chez une assistante maternelle. « Je la laisse jusqu’à 18 heures pour avoir le temps de faire mes devoirs en sortant des cours ».

Hélène aimerait suivre un BTS l’an prochain pour être formée aux métiers de l’accueil dans le secteur aérien. « Normalement, mon contrat avec le Samely devait durer deux ans, mais ils ont accepté de le prolonger un peu, car il y a beaucoup d’enjeux pour moi cette année avec le baccalauréat », décrit la jeune femme, qui a trouvé une écoute auprès de ce service. « Il y a une psychologue avec qui on peut parler, j’ai aussi pu rencontrer d’autres mamans comme moi lors d’un séjour au Pouliguen en Loire-Atlantique. C’était très bien. »

Article de 20 Minutes sur une maman lycéenne

Article de 20 Minutes sur une maman lycéenne

Paris: Une maman lycéenne, «fière» d’avoir obtenu son bac

Par Oihana Gabriel (article et photo) – Lire l’article sur 20 minutes

ÉDUCATION : Pour lutter contre le décrochage scolaire, la région Ile-de-France a mis en place un service d’accompagnement. 20 Minutes a rencontré une jeune mère qui en a bénéficié…

Paris, le 16 septembre 2014, cette jeune femme (anonyme) a eu un fils pendant sa terminale, mais a réussi à obtenir son bac et poursuit des études de droit. — O. Gabriel / 20 Minutes

«Je voulais travailler dans le social», confie Amandine*, 18 ans. Cette Parisienne n’a plus à conjuguer ses rêves au passé. En septembre 2013, cette élève de Terminale a accouché d’un garçon. Mais la jeune femme a réussi à combiner maternité et lycée. Et à décrocher son bac malgré la fatigue.

Le 3 septembre 2013, à deux semaines du terme, elle fait sa rentrée sous les regards étonnés. «Un gros ventre, ça fait réagir! Mes camarades étaient curieux, mais pas malveillants. La première fois que j’ai évoqué ma situation avec le CPE, il est devenu tout rouge et ne savait pas quelles solutions me proposer.» D’octobre à février, elle jongle entre les couches et les cours à la maison.

Un service qui aide les lycéennes enceintes

Pendant cette année compliquée, Amandine a pu compter sur l’aide du Service d’Accompagnement des Mères Lycéennes (Samely), cofinancé par la région et présenté pour la première fois ce mardi lors d’un forum contre le décrochage scolaire (voir encadré). Né en même temps que son fils, ce service cofinancé par la Région accompagne depuis un an les lycéennes pour qu’elles n’abandonnent pas l’école.

«Je suis fière d’avoir obtenu mon bac»

Grâce au Samely, Amandine a suivi des cours de maths, économie et philosophie à domicile pendant trois mois… entre deux allaitements. «Début 2014, j’ai obtenu une place en crèche. Quel soulagement! Le temps d’adaptation a duré un  mois au lieu d’une. Ce n’était pas évident de subir la pression d’un côté des professeurs qui voulaient que je reprenne les cours vite, de l’autre de la puéricultrice qui me conseillait de privilégier la relation mère-enfant. Mais je suis revenue en cours au bon moment.»

En mars, la jeune maman a repris le chemin de l’école, trois mois avant le bac. «Le lycée m’a proposé de passer uniquement quelques matières cette année. J’ai refusé, pour moi c’était quitte ou double. Et je suis fière d’avoir obtenu mon bac.»

«Je n’ai pas honte d’être mère»

Le bac en poche, et avec l’ambition de devenir éducatrice dans la protection judiciaire de la jeunesse, Amandine a débuté en cette rentrée une licence de droit. Et jongle plus facilement avec son emploi du temps. Une fois son fils à la crèche, elle peut étudier le matin avant de rejoindre la fac où elle a condensé ses cours l’après-midi. «Je n’ai pas honte d’être mère, j’assume. Mais je n’en parle pas à tout le monde. La scolarité est au courant: je ne pourrais pas assister aux TD le samedi car mon fils n’a pas de crèche le week-end.»

Pour le moment, Amandine vit chez sa mère et peut compter sur sa sœur ainée pour garder l’enfant quand elle a besoin d’étudier. «Au début, on sentait que chez elle, il allait falloir pousser les murs», reconnaît Chloé Magnan, coordinatrice interdépartementale du Samely. «Mais tout le monde s’est adapté, se réjouit Amandine. Certaines familles tournent le dos aux adolescentes enceintes. Mais ma mère m’encourageait les matins où je voulais rester au lit quand le petit s’était réveillé pendant la nuit. Si ma mère n’avait pas accepté ma grossesse, je n’aurais pas réussi à continuer mes études.»

Un appui décisif et peu courant. «J’ai été agréablement surprise de voir cette adolescente relever le challenge d’obtenir son bac alors qu’elle avait accouché à la rentrée, avoue Chloé, qui la suit pendant deux ans. On est là pour accompagner les jeunes filles enceintes à partir du quatrième mois… Mais aussi les établissements scolaires.» Aujourd’hui, son service accompagne 47 lycéennes parisiennes. Et le Samely doit s’implanter prochainement en Essonne et en Seine-et-Marne.

*Le prénom a été changé.